Par une ordonnance du 21 août 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête en référé contractuel d’une société qui soulevait, entre autre moyen, l’irrégularité de la procédure de passation de trois marchés de travaux.
L’entreprise requérante avait d’abord saisi le juge d’une requête en référé précontractuel mais, du fait de la signature des marchés avant cette saisine, la procédure avait basculé, par le mécanisme dit de la passerelle, en référé contractuel.
Le pouvoir adjudicateur avait conclu trois marchés à bons de commande portant sur des travaux de dévoiement des réseaux d’eaux usées et eaux pluviales dans le cadre du projet de prolongation du tramway T4 avec un montant maximum pour chacun des marchés de 5.000.000 d’euros HT. Ces trois marchés concernaient des secteurs différents des villes de Montfermeil et Clichy-sous-Bois mais ils avaient été lancés par des avis de publicité le même jour et portaient sur des travaux similaires qui portaient la même dénomination.
On sait que l’article 27-II du code des marchés publics dispose :
« Le montant estimé du besoin est déterminé dans les conditions suivantes, quel que soit le nombre d'opérateurs économiques auxquels il est fait appel et quel que soit le nombre de marchés à passer.
1° En ce qui concerne les travaux, sont prises en compte la valeur globale des travaux se rapportant à une opération portant sur un ou plusieurs ouvrages ainsi que la valeur des fournitures nécessaires à leur réalisation que le pouvoir adjudicateur met à disposition des opérateurs.
Dans l’ordonnance du 21 août 2015, le juge des référés a pris en compte les spécificités techniques des trois marchés, les contraintes liées à chaque secteur, le tracé des réseaux et leur profondeur, la circonstance que chaque marché dispose d’un planning propre pour juger que même si le montant cumulé des trois marchés dépassait le seuil des procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur n’a pas violé les dispositions de l’article 27 en passant trois marchés à procédure adaptée distincts. Il a donc admis que ces prestations ne constituaient pas une opération unique portant sur un ou plusieurs ouvrages.
Le juge des référés contractuels s’inscrit ainsi dans la lignée de décisions juridictionnelles plutôt rares comme l’arrêt du Conseil d’Etat du 14 mars 1997 « Préfet des Pyrénées-Orientales » (req. n° 170.319) qui a considéré que la notion d’opération de travaux pouvait être bâtie selon les besoins de la collectivité à condition que ceux-ci soient estimés de manière « sincère et raisonnable » (C.E. 14 mars 1997, Préfet des Pyrénées-Orientales, req. n° 170.319) ou encore à condition que les travaux soient effectués à des dates différentes et fassent appel à des techniques différentes (C.E. 13 février 1987, req. n° 47.971)
Dans l’affaire jugée le 21 août 2015, la validation de la passation de trois marchés de travaux distincts sous forme adaptée en application de l’article 28 du code des marchés publics a très logiquement conduit le magistrat à constater que le délai de suspension prévu par l’article 80 du code des marchés publics n’était pas applicable et que, par conséquent, la signature des marchés une semaine après l’envoi de la lettre de rejet était régulière. Par conséquent, le référé contractuel a été rejeté.